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Théories et autres pensées sur mes réalisations plastiques

          L'art pour l'art est une idée qui me passionne. Après tout, l'art n'a pas forcément vocation d'instruire ou de porter un message. L'art en lui-même et pour lui même suffit à le faire exister et rayonner. James McNeil Whistler parlait d'un art indépendant, loin de toutes émotions. Cette idée, je la partage. Je crée pour l'amour de l'art, pour ce qu'il est et ce qu'il y a de plus pur en lui. Alors, me dira-t-on, toute création artistique a un passé, une histoire, ne serait-ce que parce que l'artiste qui se cache derrière une production artistique en a lui-même une. A cela, je répondrai que oui, mais que l'art ne doit pas se définir comme vecteur d'histoire. Il peut en reprendre le sens, l'esprit, l'idée, mais n'est pas un croquis du passé. Il n'est pas là pour repeindre les erreurs, les injustices, les gloires d'un pays ou d'une nation.L'art, loin d'être beau, se doit d'avoir un concept: en cela, il sera de l'art. Hors du concept, de l'idée, il ne serait qu'un gribouillis sur un papier brouillon. L'art doit se nourrir de l'art lui-même. Il doit en comprendre ses idées pour continuer à grandir et s'étoffer. Il ne suffit plus non plus d'être reconnu dans le domaine. Je pense que tout le monde peut se qualifier d'artiste tant que l'idée existe et émane de son travail. Voilà ma ligne de conduite en tant qu'artiste.

  

          L'art pour l'art ne signifie pas n'aborder aucune notion et se laisser aller simplement à une forme de hasard dans le processus de création. Pollock ne réalisait pas ses Actions Paintings sans but, Michel Ange non plus: l'un cherchait à élargir les champs des pratiques artistiques, l'autre cherchait à satisfaire ses commanditaires. chaque artiste a un but, une idée qui le pousse à créer. Aujourd'hui, l'art est libre. Libre d'exister pour et par lui-même. Il s'exprime par le passé, le présent et le future. La notion d'avenir lui ouvre toutes les possibilités: l'infini. Il me parait donc important de ne pas tout donner à voir simplement et gratuitement. Tout spectateur ne doit pas simplement voir: il doit regarder, analyser, chercher à comprendre l'idée et le concept. Il doit pouvoir se plonger dans une oeuvre en se questionnant sur l'artiste, en l'imaginant : "Pourquoi a-t-il créer cela? Qu'est-ce que cela signifie?" L'art existe pour lui-même et n'a pas vocation à instruire, il a vocation a être ce que lui seul décide. (Sol Lewitt ne réalisait pas matériellement ses Wall Drawing car pour lui, l'idée primait sur la réalisation - l'art existait alors pour lui seul).

Mais l'art peut être modulable. Mes oeuvres plastiques ont beaucoup d'ambiguïté et de concepts: ils commencent par une idée qui va finir par exploser. Le concept sera abordé par un autre concept. En cela, l'art est unique et novateur. De plus, pour que mon travail trouve tout son sens, il est important qu'il n'apport aucune explication sur lui-même. Le spectateur doit pouvoir comprendre et voir ce qu'il souhaite. Il doit pouvoir imaginer son propre concept à travers une démarche déjà réalisée. Mon art n'a pas pour but de flatter le regardeur en lui donnant à voir des oeuvres dont la lecture est simple et compréhensible du premier coup d'oeil. Il accédera à une idée, une notion, seulement s'il souhaite accéder à celle-ci. Sil ne prend pas le temps, tout le principe créateur s'envolera à coté de lui. L'art est accessible à ceux qui ouvrent leur esprit et leur conscience de l'art. 

          En dehors de l'idée et du concept, l'art est hasard. Ce sont les erreurs, les libertés et les incertitudes qui le rendent unique. Aujourd'hui, un artiste reprenant à l'identique la Joconde ne sera pas qualifié de Maître. Il ne suffit pas de savoir peindre, de savoir reproduire. Il faut que l'art se crée avec l'imprévu. Le beau n'est pas une idée majeure dans mes réalisations plastiques: l'oeuvre sera belle par l'idée qu'elle tirera d'elle-même, par ses lignes, courbes, matières... et par le hasard. Sans hasard, il n'y a pas d'art. Dans mon travail et dans ma conception de l'art, parler de hasard ne revient pas à laisser l'oeuvre se faire toute seule. Linda Benglis a, par exemple, entendu beaucoup de critique sur son travail Contraband. Mais son art ne se résumait pas simplement à laisser couleur des sceaux de peintures et de latex sur le sol sans raison. Son art est art car l'idée existe en dehors de la notion de hasard. Dans tout art, même hasardeux, il y a une notion de calibrage, de méthode, de ligne de conduite. Mais, c'est ce hasard, qui oeuvre pour et par l'art. J'utilise dans mon travail cette part de hasard, cette marche d'erreurs pour rendre mes réalisations évolutives: elles varient en fonction du temps, du stockage, d'une tasse de café renversé, et de l'idée qui change et évolue.

          Mon travail plastique chercher alors à montrer l'unicité de l'art par son concept et sa réalisation (autant calibrée et réfléchie que hasardeuse). Il vise à réveiller les esprits en les poussant à voir ce qu'ils ne peuvent pas voir, à comprendre ce qui n'existe pas: il cherche à faire émerger l'imagination présente en chacun de nous, parce que l'art n'a d'autre but que d'exister pour lui-même, et, c'est par lui-même qu'il pourra alors être compris et regardé justement.

 

 

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